Paroisse Saint Loup


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Homélie pour le Jeudi Saint, 9/04/2020, Année A

La liturgie commémore le mystère de la Cène avec le plus ancien récit de l’institution de l’eucharistie et de l’ordre, celui de saint Paul (deuxième lecture), daté de l’an 57 environ. L’évangile ne rapporte aucun des récits synoptiques de l’événement, mais l’épisode johannique du lavement des pieds. Ce récit bouleversant où Jésus s’agenouille devant les Douze « pour laver leurs pieds sales » (Benoît XVI) approfondit la finalité de la communion eucharistique ; il suggère que le sacrifice du Christ-Serviteur, auquel on participe par le sacrement, impose l’esprit de service et d’amour fraternel tout en le rendant possible. Assimilés à Jésus-Serviteur par la communion, laissons-le nous envahir de ses sentiments d’humilité et de charité. Nous pourrons alors mieux l’adorer au reposoir et entrer dans le mystère de sa Passion. Après ses dernières confidences au Cénacle, c’est déjà l’heure de nous unir à son agonie, pour le salut du monde, dans le même amour du Père.
Le récit de la manducation d’un agneau par famille, au seuil de la nuit de la libération d’Egypte, est à l’origine de la liturgie du repas pascal que fut la Cène. Jésus y institue les sacrements de l’eucharistie et de l’ordre.
L’eucharistie dépasse infiniment l’action de grâce du psalmiste qui élève la coupe du salut en invoquant le nom du Seigneur. Elle nous fait boire au précieux sang rédempteur de Jésus mort et ressuscité et permet de nous offrir en lui au Père.
Nous devons à saint Paul la première relation de l’institution de l’eucharistie, datée de l’an 57 environ.
En lisant aujourd’hui l’évangile du lavement des pieds et non celui de la Cène, l’Eglise veut nous enseigner que le sacrement de l’eucharistie nous assimile au Christ, dans l’humilité de sa charité.
« Toi, Seigneur, me laver les pieds ! » La foi des apôtres, et en particulier celle de Pierre sur laquelle est fondée la nôtre, demeure un acte de vérité et donc d’humilité. Elle est la marque de ceux qui savent qu’ils ont besoin du Christ pour les emmener vers la vérité tout entière. Mais ce n’est pas un prérequis ou une exigence du Seigneur : la foi, en tant qu’acte d’humilité, est une réponse à l’abaissement du Seigneur.
La célébration de la Cène du Seigneur nous permet d’entrer pleinement dans le déploiement pascal. Laissons le Christ nous entraîner dans l’accomplissement de son mystère. Au soir de ce jour saint, demandons au Seigneur d’être notre maître.
Le geste du lavement des pieds exprime la même réalité que celui du pain et du vin partagés. C’est le don de Jésus vrai Dieu et vrai homme. Le don d’amour, l’offrande sacrificielle d’amour total : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » Ce don prolonge le mystère de la nuit de Noël, il exprime le cœur du Père qui donne et qui se donne en son Fils. « Aimer c’est tout donner et se donner soi-même », comprenait sainte Thérèse de Lisieux dans un saisissant résumé évangélique. Et Dieu, qui veut se donner aujourd’hui à chacun d’entre nous, prolonge son geste dans chacune de nos eucharisties en nous demandant de le prolonger encore dans nos vies : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Mais le Seigneur ne se contente pas de se mettre à genoux devant chacun des hommes pour lesquels il meurt. Il vit pleinement l’abandon dans les mains du Père : un don abondant, un abandon qui rend présent l’amour de Dieu dans le lieu le plus éloigné du Père, dans l’ombre de la mort. Se donner soi-même ne suffit pas, il faut vivre l’abaissement jusqu’au plus profond, comme dans le refus maladroit de saint Pierre, dans la trahison même de Judas. Dieu s’abandonne à notre péché pour le vaincre par le don. Qui d’entre nous peut vivre un renoncement par amour ? Et pourtant, c’est là que se trouve la vérité de l’amour de Dieu : renoncer pour faire advenir. C’est la disposition du Seigneur face à Judas qui va le livrer, mais à qui Jésus lave aussi les pieds. C’est la disposition du Seigneur face à Pierre qui va le trahir, ultime résistance à l’amour. Non seulement s’offrir, mais s’offrir pour faire advenir. Là se trouve l’abondance du don.
Car ce déploiement du don et de l’abandon vise le don à travers le don : le pardon. La seule expérience humaine qui nous permette de pressentir la réalité de la résurrection, c’est celle du pardon et de la réconciliation. Qui ne s’est pas senti revivre dans le regard plein d’amour de l’offensé qui pardonne ? Qui donne au-delà de l’offense ? Le Seigneur traverse la faute, l’enfer, pour que même cette solitude garde la trace de son passage : désormais, là où il y a l’amour, il y a Dieu. Désormais, là où l’amour est vrai, il y a Dieu.
Don, abandon, pardon, c’est un exemple qui nous a été donné pour que nous fassions comme le Seigneur a fait pour nous. Traversons avec le Christ les ravins de la mort, sans craindre aucun mal car il a marché là où nous mettons désormais nos pas.

Père Thibault NICOLET

Références des textes liturgiques :
Livre de l’Exode XII, 1-8.11-14
Psaume CXV (CXVI)
Première Epître de saint Paul Apôtre aux Corinthiens XI, 23-26
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean XIII, 1-15