Paroisse Saint Loup


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Cinquième dimanche du Temps Ordinaire Année B

D 7 février 2021 église Saint Jean-Baptiste, Vif

A Capharnaüm, Jésus guérit, Jésus délivre, Jésus attire…

Ce qui s’est passé à la synagogue de Capharnaüm a été vite connu à l’extérieur, d’abord et surtout parce qu’à cette époque tout le monde pratiquait. Si les gens attendent la nuit pour venir vers Jésus, cela ne correspond pas au délai pour les informer, mais tout simplement à la nécessité de voir arriver la fin du sabbat pour transporter des malades ou des démoniaques et demander à un prophète guérisseur d’exercer ses dons. Les synagogues constituaient des lieux importants de rassemblement, comme le seront aussi pendant longtemps les églises, au point qu’on y lisait les informations non religieuses et que l’État s’en servait dans les pays chrétiens pour informer les populations. Il y eut pendant longtemps union de l’Église et du pouvoir médiatique séculier, tout comme il y avait union de l’Église et de l’État. Et cela sans confusion ni mélange pour reprendre les termes de la célèbre définition de l’union des deux natures du Christ du concile de Chalcédoine (451). Avec le règne de la déesse laïcité sortie du cerveau des philosophes des lumières, telle Athéna, on aboutit à la séparation. Je laisse chacun juger des conséquences de cette séparation sur la moralité de l’État et des médias. Et, pour ces derniers, je ne fais pas d’exception pour ceux qui n’ont gardé qu’une teinture religieuse plus ou moins légère. On ne sait trop si c’est par intérêt spirituel, ou bien parce qu’ils estiment que certains sujets empruntant à ce domaine valent encore la peine d’être traités, ou encore pour s’assurer un nombre suffisant d’abonnés. Je ne trancherai pas, je dis simplement que la question se pose.
Pour Jésus, l’épisode de la synagogue de Capharnaüm a allumé les feux de la renommée qui, la nuit tombée, vont donc produire ce grand rassemblement. Mais avant de faire face à cette foule, Jésus va agir dans l’intimité, dans un cadre quasi-familial, puisque c’est la belle-mère de Pierre qu’il va guérir de sa fièvre. Marc montre ici que Jésus lutte contre ces forces de mort que sont la maladie et la possession, parce qu’il sera vainqueur, par la résurrection, de ce qui en est la source : la mort. Et de même qu’il a affranchi la belle-mère de Pierre de la fièvre, chassé les esprits impurs et guéri les malades, il peut aussi assurer des mêmes victoires tous ceux qui croiront en lui.
Il est du plus haut intérêt que Jésus ait inauguré son ministère auprès des foules par un enseignement marqué d’autorité, accompagné d’une lutte totale contre les forces de mort. Les apôtres continueront cette double pratique que l’Église institutionnalisera. Ici, nous sommes invités à réfléchir sur la question des maladies. Dès le Nouveau Testament, dans l’épître de Jacques, nous attestons de l’existence du rite de l’imposition des mains faite aux malades, accompagné de l’onction d’huile, qui deviendra plus tard le sacrement des malades et que l’on appela longtemps l’extrême-onction, à cause de l’habitude prise de ne demander ce sacrement qu’à l’article de la mort. Et l’une des raisons est bien peu glorieuse. En effet, comme normalement, avant toute réception de sacrement, il fallait se confesser et s’engager à ne plus commettre les péchés dont on avait été absous, si donc la mort intervenait, la question était réglée, mais si l’on en réchappait… Il y a des péchés qui sont tellement – comment dire – familiers qu’on ne peut pas vivre sans eux ! D’où l’idée de repousser au dernier moment l’engagement d’y renoncer, d’où aussi l’association onction d’huile – signe de mort.
Voici quelque temps, remplaçant un aumônier d’hôpital, j’ai vu la fille d’un malade me demander de différer l’administration du sacrement que j’étais venu célébrer à la demande de sa mère, sous prétexte que son père éprouvait un léger mieux et que, je cite, « ce n’était pas le moment ». Et comme j’ai estimé important de dispenser ce sacrement, elle s’est littéralement enfuie comme si j’allais porter la mort à son père ! D’où la nécessité de réapprendre le sens de ce sacrement et de retrouver la notion de son pouvoir de guérison en ne le laissant pas aux sectes qui le caricaturent, ou en l’opposant, par exemple, au pouvoir de la médecine. Or, dans la grande tradition de l’Église, ce n’est pas le cas, bien au contraire. La preuve en est l’usage de l’huile comme matière du sacrement des malades. A l’époque de la rédaction du Nouveau Testament, on utilisait l’huile dans la composition de nombreux médicaments. Dans la parabole du bon Samaritain, Luc nous dit que ce dernier en utilise pour soigner le juif blessé par le brigand (Luc X, 34) et il faut savoir que la médecine de l’époque utilisait, pour soigner les blessures, aussi bien l’huile, censée calmer la douleur, que le vin pour les désinfecter. On notera la mention du vin, utilisé aussi pour l’eucharistie. Et, de fait, chez les premiers chrétiens, l’eucharistie était célébrée au cours d’agapes et ainsi, lors d’une même réunion, le vin était reçu à un moment comme boisson festive, et à un autre moment comme sang du Christ (1 Corinthiens XI, 17-34), tout comme l’huile du sacrement pouvait être présentée aux malades, après ou avant d’autres huiles médicinales. Et l’on sait bien que l’Église n’a jamais considéré comme un manque de foi d’avoir recours à la science médicale.
Et comme il est ici question de possession, je voudrais poursuivre mon propos pour insister sur l’importance de collaborer avec des psychiatres chrétiens. Cela correspond à ce qu’a voulu faire le pape François, rendant publique, le 3 juillet 2014, la reconnaissance juridique de l’association internationale des exorcistes (AIE) par la congrégation pour le clergé. Voici l’extrait de la déclaration de son président, le Père Francesco Bamonte, exorciste au diocèse de Rome : « Il salue un événement particulièrement significatif et y voit un signe des temps qui exprime la prise de conscience toujours plus vive que, parmi les mandats que le Christ a donnés à son Église, il y a aussi celui de chasser les démons en son nom […] et cette association a pour but de favoriser les rencontres entre exorcistes et d’intégrer le ministère de l’exorciste dans la pastorale ordinaire de l’Église locale. »
Le pape François parle souvent du diable dans ses homélies, contrairement à d’autres qui prennent bien soin de n’en parler jamais. Comme ceux qui font disparaître certains versets de passages bibliques offerts à la lecture des fidèles dans la liturgie. Ce faisant, ils amputent gravement le texte biblique de toute une réflexion sur les mécanismes de l’action du mal en ce monde et font preuve, en outre, d’une manière de comprendre plus que douteuse des textes tels que celui qui est proposé à notre méditation ce dimanche.
Or, le nombre de personnes au comportement étrange et inquiétant, et j’emploie ce terme parce que je ne suis pas médecin, est en nette augmentation, et ce à tous les échelons de notre société. Il en va ainsi des cas de possession également, mais la baisse gravissime de la pratique religieuse explique que ces personnes ne se présentent plus à l’Église. Elles vont ailleurs, ce qui, quelquefois, ne leur réussit pas trop mal, permettant même de leur assurer des promotions inattendues… Satan n’avait-il pas dit à Jésus que s’il se prosternait devant lui en l’adorant, il lui donnerait tous les royaumes de la Terre (Matthieu IV, 8-9). Cela peut laisser songeur mais ne doit pas nous maintenir inactif ! Dans le domaine spirituel, on ne fait jamais du surplace et on n’est jamais neutre. On avance ou on recule, on est avec le Christ ou on est contre lui. Quand on ne veut plus parler du diable et ranger les exorcismes au musée des vieilles superstitions, tout en prétendant annoncer le Royaume de Dieu, on joint en fait sa voix à celle des démons qui connaissaient si bien Jésus !

Père Thibault NICOLET


Références des textes liturgiques :
Livre de Job VII, 1-4. 6-7 ; Psaume CXLVI (CXLVII) ;
Première Lettre de Saint Paul Apôtre aux Corinthiens IX, 16-19. 22-23 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc I, 29-39