Paroisse Saint Loup


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Homélie pour le troisième Dimanche de Carême Année B

7 mars 2021 – Eglise Saint Jean-Baptiste de Vif

Le mystère pascal se dévoile

Dès le début de cette liturgie dominicale, l’antienne d’ouverture nous invite « à avoir toujours les yeux sur le Seigneur » (Psaume XXIV, 15-16). En ce troisième dimanche, nous le voyons expulser les vendeurs du temple, pour purifier la maison de son Père. La Pâque juive (Jean II, 13.23) encadre cet épisode évangélique, qui est une prophétie de sa résurrection : « détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai » (verbe utilisé pour rendre compte de la résurrection). Si le nouveau temple est Jésus lui-même, le sanctuaire est son cœur filial où s’accomplit la loi par la grâce et la vérité. C’est là qu’il convient de puiser les grâces de jeûne, de prière, de partage et de pardon qui, de dimanche en dimanche, nous acheminent vers la réalité pascale. Après le sommet de la haute montagne de l’épisode de la troisième tentation (Matthieu IV, 9), puis celui du Thabor, voici en ce dimanche celui du mont Sion et de son temple. N’ayons pas peur de « la folie de la croix » (deuxième lecture) et grimpons hardiment vers le mont du Calvaire !

Au Sinaï, le don de la loi à Moïse scelle l’Alliance avec le peuple sorti d’Égypte. Ce sont les dix commandements qui l’invitent à mettre Dieu au centre de son existence.

Après s’être révélé dans la Création (Psaume XVIII, 1-7), Dieu se révèle dans la Loi (Psaume XVIII, 8-15). Vivre selon ses préceptes donne vie, sagesse, bonheur et pureté.

Pour saint Paul, la vraie et unique sagesse est la folie du Mystère de la Croix.

Quant au récit johannique de l’expulsion des vendeurs du temple, il est encadré par le mot Pâque. Cet épisode en est une prophétie cachée : « en trois jours je le relèverai ». Jésus emploie ici le verbe utilisé pour rendre compte de la résurrection. Dans le Corps du Christ habite la plénitude de la divinité. Elle se manifeste par l’autorité du Christ dans le Temple. Cela ne peut se comprendre que dans la contemplation du crucifié qui nous rachète par son Incarnation : Il est « puissance de Dieu » et « sagesse de Dieu ». Lui seul peut nous détourner de l’idolâtrie car il est le véritable et unique Dieu fait homme. Désormais, plus rien ne peut servir d’intermédiaire avec Dieu ; seul le Christ nous fait voir Dieu immédiatement et nous conduit à Lui directement.

Après avoir évoqué les débuts de la mission de Jésus puis sa Transfiguration, voici donc que la troisième station de ce carême nous conduit au Temple de Jérusalem.

L’évangile selon saint Jean nous rapporte la première Pâque que Jésus traverse après l’inauguration de son ministère. Le passage est tellement célèbre que nous nous focalisons bien souvent sur son côté sensationnel : Jésus renverse tous les comptoirs et chasse tous les marchands du Temple avec un fouet ! Est-ce avec celui du Livre des Juges (Juges VII) lorsque Gédéon triompha des deux chefs de Madiane ? Est-ce le même avec lequel Dieu promet de punir l’injustice du roi Assour d’après le prophète Isaïe (Isaïe X) ? Pour le cas de notre évangile, à moins d’une force herculéenne, cela n’est guère possible d’après le récit, car la foule semble étonnamment sans réaction…

Nous sommes impressionnés comme devant une production hollywoodienne… Pourtant est-ce bien la réaction de tout le monde ? Il y a la réaction intérieure des disciples et la réaction extérieure des Juifs. Les disciples, voyant la scène, l’interprètent en fonction du psaume LXVIII (LXIX) dont la citation « l’amour de ta maison fera mon tourment » est extraite. Quant aux Juifs, ils demandent un signe pour comprendre la portée de son acte. C’est une nouvelle preuve que nous devons toujours nous efforcer de dépasser le stade de l’émotion et du spectaculaire pour bien comprendre !

En lisant le psaume LXVIII, on se croirait déjà dans le récit de la Passion. On y parle de celui qui sera rejeté par ses amis, méprisé, insulté, bafoué, déshonoré, à qui l’on donnera du vinaigre. Et pourtant, celui qui sera humilié et méprisé connaîtra le salut de Dieu qui le redressera. Nous avons déjà ici tout le Mystère pascal sous les yeux.

Ainsi, le signe que Jésus donnera aux Juifs pour rendre compte de son acte, c’est bien celui de la Croix ! D’ailleurs, le psaume LXVIII résume en lui-même toute la thématique du Serviteur Souffrant en Isaïe (LII-LIII) que l’évangéliste prendra soin de mentionner clairement au dernier verset de la Passion (Jean XIX, 37). A travers cette Pâque « sensationnelle » à Jérusalem, Jésus prépare ses disciples à comprendre sa « Pâque éternelle » !

Il renverse les marchands, car nous allons passer de l’ancien au nouveau culte. L’ancien se payait : brebis et bœufs pour les riches, colombes et tourterelles pour les pauvres. Le nouveau sera gratuit car Jésus, prenant la condition de serviteur en lavant les pieds de ses disciples, se donnera en offrande. L’ancien se célébrait dans le Temple, le nouveau sera célébré en Jésus lui-même, qui, sur le bois de la croix, sera l’autel du sacrifice. Cet évangile nous aide déjà à entrevoir la formule liturgique d’une Préface du Temps Pascal : « Christ est à la fois l’autel, le prêtre et la victime. »

Père Thibault NICOLET

Références des textes liturgiques : Livre de l’Exode XX, 1-17 Psaume XVIII (XIX) Première Épître de saint Paul apôtre aux Corinthiens I, 22-25 Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean II, 13-25