Paroisse Saint Loup


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2017

27 novembre 2017

Trente-deuxième dimanche du Temps Ordinaire – Année A

Dimanche 12 novembre 2017 église Saint Jean-Baptiste de Vif

« Veillez… »

Les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile. Matthieu XXV, 3-4

Une paroissienne ayant longtemps œuvré en paroisse m’a apporté son éclairage à propos de cette parabole des jeunes vierges allant à la rencontre de l’époux, munies de leur lampe. Selon elle, les jeunes filles n’avaient pas sottement emporté d’huile non pas parce qu’elles étaient insouciantes mais parce qu’elles avaient trop de responsabilités. En plus du rôle qu’elles avaient à remplir pour le mariage, peut-être devaient-elles s’occuper de leur mère malade ou du ménage. Cette personne m’a confié qu’il lui avait fallu des années pour apprendre à dire « Non » aux multiples sollicitations venant s’ajouter aux responsabilités qu’elle avait déjà. « J’ai appris que la lampe de mon esprit peut venir à manquer d’huile », m’a-t-elle dit. « J’ai besoin de prier sans me presser ; de partager, le cœur léger, de longs moments en famille et, parfois, d’aller tranquillement me promener afin de rester centrée sur l’amour de Dieu. »
Jésus, époux bien-aimé, aide-nous à maintenir notre lampe allumée grâce à ton amour et à participer avec toi aux noces célestes.

Le livre de la Sagesse soutient l’existence d’une destinée après la mort : l’homme est créé en vue de l’immortalité. Il s’en suit un jugement divin qui distingue entre les justes et les impies, entre ceux qui cherchent à vivre selon les commandements de Dieu et ceux qui n’ont d’autres références que leur profit et leur jouissance.
Le chemin le plus fiable pour vivre à jamais auprès du Seigneur est de rechercher la Sagesse et de la prendre pour épouse. Présentée d’abord comme un attribut divin, elle en est finalement une brillante émanation. En elle se dessinent les traits du Christ qui vient sans cesse à notre rencontre. Par son Esprit, il nous recherche, nous précède toujours et se donne sans compter à qui ne veut d’autre trésor.
Les premiers chrétiens ont cru à un retour imminent du Christ glorieux. Avant que son retard ne fasse craindre une démobilisation (cf. évangile), il a d’abord suscité l’inquiétude des croyants au sujet des défunts. Qu’en sera-t-il de la résurrection des baptisés morts avant la venue du Christ à la fin des temps ?
S’appuyant sur les images des récits apocalyptiques, Paul imagine un scénario de fin des temps qui n’est pas à prendre au pied de la lettre. Ce qui importe, c’est le cœur de la foi chrétienne qu’il professe : comme il a relevé Jésus d’entre les morts, Dieu relèvera ceux qui ont mis en lui leur espérance et les fera vivre éternellement avec lui.
Dans la parabole de l’évangile, Jésus nous propose de réfléchir à notre grand Passage, dont il rappelle à juste titre que nul ne peut en connaître l’heure si ce n’est le Père. Pourtant nous ne pouvons passer notre vie à préparer notre mort. A l’évidence, Jésus, qui est le Maître de la Vie, nous invite à autre chose…
Il nous invite à méditer le sens de la Vie, auquel la mort, ultime passage, donne toute sa valeur. Le Qohélet (l’Ecclésiaste), grand penseur juif du IIIème siècle avant Jésus-Christ, a médité ce mystère. Tout au long de sa réflexion, il égrène ce célèbre refrain : Vanité des vanités, tout est vanité sous le soleil. Est-ce à dire qu’il faille mépriser la vie, et se lamenter dans cette « vallée de larmes » en redoutant l’heure de sa fin ? Certainement pas, car Qohélet se fait le chantre de la joie de vivre dans sept refrains qui scandent son œuvre comme autant d’invitations à bien vivre.
Et bien vivre, c’est d’abord contempler la Sagesse (1ère lecture), c’est-à-dire rendre grâce à Dieu du don qu’est la vie même, qui nous offre d’indéniables moments de bonheur à savourer. Mais bien vivre, c’est aussi accepter les épreuves et la finitude, que nous ne manquons pas de rencontrer, avec un cœur confiant dans l’amour et la miséricorde de Dieu…
Mais comment durer efficacement dans l’attente du retour du Seigneur ? La réflexion entamée dimanche dernier se poursuit pour nous engager à ne rien perdre de tout ce dont le Seigneur et la vie nous gratifient. Au regard du projet divin de partager définitivement sa joie à tous les hommes, peu importe le volume de ce que nous recevons aujourd’hui. Que nous ayons en abondance ou fort peu, l’essentiel est de le faire fructifier : tout ce qui de nos biens et de nous-mêmes aura été développé, partagé, offert, mis au service avec amour, est déjà en connivence avec le Seigneur et sera divinisé. Ce qui est donné nous allège, libère de l’espace dans notre cœur et l’agrandit en même temps que cela édifie le royaume. Certes, cela ne va pas sans risques. Mais quoi de plus tragique que de vivoter et risquer une mort définitive par peur de risquer de vivre vraiment jour après jour ?
Tout ce qui est préservé par paresse, par refus d’ouverture et d’accueil, ou par peur, freine notre marche et se trouve définitivement perdu pour le Royaume. On peut réellement perdre sa vie en voulant la garder. Il ne s’agit pas de viser des choses grandioses mais tout simplement de répondre, selon les talents reçus, avec générosité et confiance aux appels de la vie tels qu’ils se présentent.

Le Seigneur nous demande de veiller… Pourtant, dans cette parabole, les vierges sages se sont endormies, comme les insensées. Alors, de quelle veille s’agit-il ? Dans le Cantique des Cantiques, l’épouse dit : « Je dors mais mon cœur veille. J’entends mon bien-aimé qui frappe… Je me suis levée pour [lui] ouvrir… » (Ct V, 2.6). Veiller, c’est prendre la précaution d’avoir de l’huile à sa disposition pour ne pas rester dans le noir et ne pas manquer la rencontre ; c’est rester dans la lumière. Jésus nous dit quelle est cette lumière : « La lampe de ton corps, c’est ton œil. Lorsque ton œil est sain, ton corps tout entier est sain » (Luc XI, 34). Dans la nuit de ce monde, les yeux de notre cœur doivent rester grands ouverts, grâce à notre foi, notre espérance et notre amour.

Seigneur, pour notre bonheur, tu nous invites à te craindre, mais pas à avoir peur ! La peur révèle le manque de confiance qui parfois nous paralyse. Notre vie alors peut nous sembler vaine : quel sens lui trouver ? La crainte naît de la reconnaissance de ta grandeur qui nous dépasse et nous émerveille et où nous puisons la foi. Elle nous libère et nous donne des ailes. Seigneur, ne nous laisse pas végéter frileusement. Mets sur notre route des frères qui nous appellent.

Père Thibault NICOLET

Références des textes liturgiques :
Sagesse VI, 12-16 ;
Psaume LXII (LXIII) ;
Première Lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens IV, 13-18 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu XXV, 1-13.