Paroisse Saint Loup


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Sixième dimanche du Temps Ordinaire Année B

11 février 2024, Eglise Saint Jean-Baptiste, Vif / Dimanche de la santé

Vivre avec les autres jusqu’à les toucher

Nous voilà transportés dans une ville dont on ne connaît pas le nom (sans doute a-t-elle reçu la mission de représenter toutes les villes du monde) où l’Esprit-Saint attend que nous vénérions un inconnu à la face rongée, exclu de toute vie sociale, reconnu contagieux, jugé impur, indigne de Dieu, et par là rejeté par les religieux aux mains propres et à la peau nette. Cependant, ce sous-homme, habituellement planqué jusqu’à l’inhibition la plus aiguë, va risquer son va-tout, en fonçant vers le Christ sous un halo de puanteur, espérant toucher de près la compassion du Créateur. Inversion des rôles. Ce dernier, toujours premier en amour, touché par tant d’adoration, touche l’enfant immonde et le guérit à son appel. La peau neuve, et pour le coup belle et bien nette, reçoit pour seule consigne de garder pour elle le miracle accompli et, par-dessus tout, le nom du thaumaturge, ce qu’elle ne saura faire. Impossible d’en tenir rigueur à l’ex-lépreux ! La lumière ne doit-elle pas refuser l’ombre du boisseau pour lui préférer l’évidence d’un lampadaire ?
Le Père Michel CLINCKE, dans la brochure proposée par la Conférence des Evêques de France pour ce dimanche de la santé (page24), insiste avec vigueur sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour rendre possible cette lumière de la guérison : « Sûrement que les chrétiens manquent parfois de piquer de ces colères divines devant certaines situations de précarité en matière de santé ! Malgré le dévouement inouï des médecins, infirmières et aides-soignantes, tous les moyens financiers et humains sont-ils mis en œuvre pour une médecine accueillante à tous dans des conditions optimales ? Il semble plus facile de débloquer des crédits pour produire des sous-marins nucléaires au prix exorbitant que de construire des maisons pour accueillir des enfants porteurs de handicaps, des maisons de retraite avec du personnel en quantité suffisante, des services d’urgence qui ne soient plus engorgés ou fermés, ou encore pour maintenir à domicile de grands malades ! Oui, ‘colère de vie’ de la part de Jésus mais aussi ‘proximité de vie’ ! ‘Jésus se mit en colère, il étendit la main et toucha le lépreux.’ »
Dieu ne se salit pas les mains en touchant les nôtres. Son être est pour nous. Et sa joie est d’une intensité maximale lorsqu’il descend vers notre désir pour l’exaucer. Mais encore faut-il que nous allions à Lui pour l’amour de l’Amour ! Pourquoi donc attendre la lèpre pour plier le genou ? La misère, le manque, la maladie sont-ils nécessaires pour ouvrir les yeux et le cœur ? L’intelligence ne suffit-elle pas pour dessiller la raison et l’emporter dans la compréhension que nous sommes des créés, des fragiles et non des matadors ? Attendre le drame pour appeler le Ciel à la rescousse, c’est bien triste et nul, quand on songe au temps perdu à construire tout seul un univers faussé, parce que sans finalité si ce n’est soi. Mais le temps est encore là… et la reprise possible. Par chance, lépreux, nous le serons tous un jour ; ainsi le Père retrouvera ses enfants. Cependant, il serait si doux pour Lui de nous engendrer au plus vite !
Toujours extraites de la brochure publiée pour ce dimanche de la santé, ces quelques lignes du Père CLINCKE font encore l’éloge du contact physique : « En ce dimanche de la santé, à la lumière de ce toucher de Jésus ‘corps à corps’, ‘peau à peau’, comment ne pas nous demander en quoi nos touchers des personnes souffrantes sont-ils porteurs de la Bonne Nouvelle de Dieu qui rejoint l’humanité dans ses souffrances ? Osons-nous ce toucher salutaire et libre, avec délicatesse, de tous ceux qui sont marginalisés en raison de leur handicap ou de leur maladie lourde, toucher qui leur permet d’être réconciliés dans leur corps, dans leur cœur et dans leurs relations ? « Quand mes mains se glaceront », confiait à une amie une personne en fin de vie, « j’espère avoir quelqu’un aux mains chaudes comme les vôtres pour les tenir ». « Si tu veux relever ton frère », dit une prière, « touche-le avec les doigts du cœur et son visage s’illuminera. Touche-le avec les mots du cœur, même s’il est abattu. Tu verras, il se lèvera. »

Père Thibault NICOLET

Références des textes : Livre des Lévites XIII, 1-2.45-46 ; Psaume CI (CII) ; Première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens X, 31 - XI, 1 ; Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc I, 40-45