Septième dimanche de Pâques Année B
S 11/05/2024 église Saint-André, Prélenfrey-du-Gua et D 12/05/2024 église Saint Jean-Baptiste, Vif
Jésus prie pour ses disciples
C’est l’heure du bilan. Dernier cri de l’Homme-Dieu en forme de prière adressée à son Père amoureux de ses insolents enfants. Les vingt-six premiers versets du chapitre XVII de l’évangile selon saint Jean transpirent d’un amour qui n’a pas été compris en son infini par le monde et les siens. Le moment est-il venu de préciser sa nature et d’en montrer la puissance ? Je le crois.
La mort à venir glorifie le Fils. Elle n’est pas une porte vers la gloire, elle la contient. Qui peut entrer dans une telle incongruité ? En saluant de près le dernier acte de sa vie – sa mort -, Jésus brise le flacon de myrrhe qu’elle contient et révèle au monde le parfum de vie éternelle dont chacun peut s’embaumer. Cette promesse de joie ne se confond pas avec le paradis. Elle est en premier lieu le fruit d’une extase provoquée par la connaissance du Dieu-Père et du Fils-Mère, axe de l’Histoire du monde et de sa destinée. Le Verbe vient du Ciel, prend chair d’une femme (et quelle femme !), naît, grandit, joue, travaille, aime, aime encore, aime toujours, parle, guérit, tient tête et cœur très haut, et en homme, bien que Dieu, meurt. Nous devrions nous évanouir à l’écoute de cette litanie, mais nous restons de marbre, signe que nous ne sommes pas meilleurs que les apôtres, et c’est, malgré tout, encourageant.
La grandeur du Christ est d’avoir incarné l’invisibilité de Dieu en révélant sa paternité. Tout est là. Par sa voix et ses gestes inondés de bonté, Jésus a manifesté le Père et conquis en son nom un grand nombre de cœurs, onze sur douze (que dis-je ? Douze ! Pauvre Judas dont le destin devrait nous tirer des larmes), et des foules entières soulevées enfin de la torpeur religieuse en laquelle le clergé les avait enfermées sous les coups ressassés d’une sagesse sclérosée et non subtile, visant à partager le monde entre bons et méchants, purs et impurs, passionné qu’il était par la loi du talion et la vénération qu’il portait, en justicier, aux châtiments.
La Voie du Christ, ponctuée de miracles et de mots libérateurs, a trouvé son chemin parmi les estropiés et les bancals de la vie. Mais que d’oppositions et d’obstacles chez les plus pieux des hommes, devenus troncs d’arbres couchés sur la route divine, bientôt croisés et maintenus par des clous !
Et nous, dans cette histoire ?...
Le testament de Jésus (les versets de l’évangile de ce dimanche font partie des dernières paroles qu’il a prononcées) stipule que les chrétiens, loin de s’enfermer dans leur communauté, sont appelés à vivre en plein vent, au cœur du monde, avec à l’esprit la certitude que sa prière, celle de ce jour, les arrache à jamais au mal ambiant. Allez, ouste ! Obéissons et fichons le camp dès le matin dans nos milieux professionnels et amicaux tout en vivant de la présence du Père et du Fils gonflant de joie les pneus de nos âmes ! Oui, restons dans la vie, la nôtre, sans en rien changer, gardant comme un trésor le réalisme de son nom : « Père », avec pour conséquence et sans dérogation, l’unité requise entre frères d’une même famille. L’avenir du christianisme repose non sur l’union, mais sur l’unité des chrétiens entre eux. Reconnaître Jésus comme Sauveur du genre humain et porte-voix de la vraie sagesse divine devrait suffire à cette osmose ! Eh bien non ! Les faits parlent contre nous. Après plus de deux mille ans, malgré l’insistance du Christ, comment avons-nous pu nous diviser si gravement, y compris au sein de l’Eglise catholique ? Quel temps perdu en guerres intestines bloquant les avancées de l’amour de Dieu dans le monde ! Si les divergences doctrinales ont souvent créé des tensions et des mésestimes entre les différentes confessions chrétiennes, et c’est peu dire ! (grâce à Dieu nous avons progressé au moins en respect réciproque), il est inadmissible et honteux que dans l’Eglise présidée par Pierre, l’amour entre les frères qui la composent ne soit pas au rendez-vous. Que de jugements, que de critiques, que de propos d’alcôves, que de jalousies, que de suspicions ! Pauvre Christ à la tunique déchirée ! Quant aux sensibilités religieuses, de piété ou liturgiques, elles disposent à juste titre d’un droit d’expression, mais ne peuvent s’ériger en modèle absolu autorisant l’amour entre frères à s’absenter.
Dans ces versets, nous apprenons aussi que la haine venue de l’extérieur et dont les baptisés sont et seront l’objet vient de la Parole du Christ accueillie et vécue. Qui vit l’Évangile déchaîne l’inimitié ! Le don de soi jusqu’à l’oubli du moi, l’amour gratuit et démesuré, la mort choisie pour qu’un autre vive, excitent le monde et glorifient le Créateur. Nous allons bientôt le voir.
Références des textes liturgiques :
Livre des Actes des Apôtres I, 15-17.20a.20c-26 ; Psaume CII (CIII) ;
Première Lettre de saint Jean IV, 11-16 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean XVII, 11b-19