Paroisse Saint Loup


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Solennité de l’Assomption de la Vierge Marie Année B

15 août 2024 église Saint-Pierre, Varces

Marie au jardin des belles lettres

Il existe des anthologies respectables et intéressantes d’œuvres littéraires évoquant la figure de Marie mais pas d’étude systématique. Étudier la représentation de Marie dans la peinture ou la sculpture est courant, en revanche le faire pour la littérature est rare. Or la présence de l’image mariale dans les œuvres littéraires, au fil des siècles, est importante et permanente, que ce soit directement ou indirectement. Nombreux sont les écrivains à avoir exprimé leur dévotion à Marie dans leur œuvre, à lui avoir accordé une place.
Au Moyen-Âge cette place est incontestable. A commencer par les chants et les hymnes employés pour la prière, comme le Salve Regina, le Stabat Mater ou l’hymne acathiste. Ce sont souvent de magnifiques poèmes. Au Moyen-Âge, l’inspiration mariale est également très présente dans des œuvres créées pour s’opposer à la littérature profane de l’époque, celle de l’amour courtois.
En effet, celle-ci reposait souvent sur des contre-valeurs chrétiennes, comme l’adultère. Deux grandes héroïnes de la littérature courtoise, Yseult et Guenièvre, sont des femmes adultères. L’Église veut donc réagir à cette culture et soutient toute une littérature édifiante qui met en exergue le modèle de la Vierge Marie : poésies mariales, Miracles de la Vierge… Ces créations sont souvent l’œuvre de clercs, comme Gautier de Coincy, moine bénédictin du XIIIème siècle et l’un des plus grands poètes médiévaux. Ces œuvres ne manquent pas de qualité littéraire et sont destinées à présenter au public des valeurs conformes à l’idéal chrétien. Elles rencontrent un grand succès. Elles sont extrêmement diffusées, comme en témoigne le nombre de copies manuscrites conservées. Elles sont très connues et très aimées.
Avec le temps, certaines de ces œuvres sont laissées de côté. Du fait de la lutte idéologique se déroulant en France au XVIIIème siècle, on rejette les œuvres accordant une place au sacré, on jette l’anathème sur la littérature qui tient compte de la foi chrétienne. Cette réaction entraînera elle-même une résistance des écrivains croyants, notamment à l’époque du romantisme, par exemple avec Chateaubriand, chez lequel la figure de Marie est importante, et qui considère que le christianisme est la religion de la beauté.
On a ensuite une nouvelle vague antichrétienne avec le naturalisme et Zola, puis une réaction au naturalisme avec Huysmans, Bloy, qui, dans un fameux article, « Je m’accuse », déclare que Zola, qui a écrit un roman rationaliste contre Lourdes, est un « crétin des Pyrénées »… C’est ainsi qu’à chaque époque des écrivains ont osé exprimer leur foi de manière un peu polémique, avec Marie au centre. Souvent, d’ailleurs, parce qu’elle est à l’origine de conversions, comme ce fut le cas pour Claudel. Celui-ci lui accorda une belle place dans son théâtre, où apparaissent des figures féminines qui en sont le reflet, surtout dans sa poésie.
On retrouve la figure de Marie chez les écrivains tout au long du XXème siècle. On pense bien sûr à Péguy, mais aussi à des auteurs comme Marie Noël, poète à redécouvrir, ou encore Henri Ghéon ou Francis Jammes. Elle reste le signe, tout comme la présence de la foi chrétienne en général, d’écrivains engagés qui s’expriment contre une doxa.
Aujourd’hui, Marie reste présente dans la littérature, notamment dans la poésie, qui en est le laboratoire. On peut citer l’œuvre du poète contemporain Jean-Pierre Lemaire, qui a écrit une œuvre littéraire considérable et consacré une partie de ses œuvres à la Vierge Marie. Il y en a d’autres, qui appartiennent à la tendance ‘spiritualiste’ de la poésie contemporaine et qui, sans forcément chercher à afficher leur foi au grand jour, n’hésitent pas à intégrer la figure de Marie à leurs œuvres ou bien à exprimer des points de vue tout à fait chrétiens (par exemple Christian Bobin ou Gilles Baudry).

« Mon Dieu qui dormez, faible entre mes bras, mon enfant tout chaud sur mon cœur qui bat, j’adore en mes mains et berce, étonnée, la merveille, ô Dieu, que Vous m’avez donnée. » Marie Noël

Père Thibault NICOLET


Références des textes :
Livre de l’Apocalypse XI, 19a. XII, 1-6a.10ab ;
Psaume XLIV (XLV) ;
Première Lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens XV, 20-27a ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc I, 39-56