Paroisse Saint Loup


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Genese 1 et 2 : origines du texte

En étudiant les chapitres 1 et 2 de la Genèse, on se retrouve devant deux récits bien différents... Bizarrement, la séparation entre ces deux récits se trouve au milieu du verset 4,2, et nos bibles placent généralement un inter-titre à ce niveau [1]. Signalons au passage que la division en chapitres de la Bible a été faite par le théologien anglais Etienne Langton vers 1200 ; quand à la numérotation des versets, elle remonte au 16ème siècle et est due à l’imprimeur français Robert Estienne.

Le premier récit est un poème, le texte est fortement structuré, l’homme n’apparaît qu’à la fin... Dieu crée par la parole et il est appelé Dieu. Le verbe créer – assez rare dans la Bible – est employé plusieurs fois... Le second récit est en prose, fortement centré sur l’homme. Dieu parle peu, il agit ! C’est un Dieu qui met la main à la pâte... et Il est appelé Yahvé Dieu... Il apparaît alors clairement que ces deux récits ne sont pas de la même main !

Jusqu’à la fin du siècle dernier, on distinguait quatre sources, ou quatre documents ayant servi de base à la rédaction finale de la Bible : les documents sacerdotal, deutéronomiste, yahviste ou elohiste... Pour le yahviste, Dieu est appelé « Yahvé » dès le début, alors que pour l’élohiste, ce nom n’est utilisé qu’après qu’il ait été révélé à Moïse, dans l’épisode du buisson ardent (Ex 3,13-15). Cette théorie documentaire [2] est aujourd’hui remise en question, sans qu’on puisse lui opposer de nouvelles certitudes. On peut cependant distinguer trois grandes traditions à la source de la Bible :

- La tradition sacerdotale, rédigée pendant l’exil à Babylone, dans un milieu de prêtres. Cette tradition insiste fortement sur la transcendance de Dieu, et le premier récit de la création s’y rattache clairement.
- La tradition deutéronomiste, qui serait née à Jérusalem dans un milieu de scribes, avant l’exil, à l’époque du roi Josias (7ème siècle).
- Des traditions anciennes, auxquelles se rattacherait le second récit de la création, et souvent reprises par les deux premières.

On retrouve ces différentes traditions dans une bonne part du Pentateuque (à l’exception du Lévitique qui relève entièrement de la tradition sacerdotale, et du deutéronome qui relève bien sûr du deutoronomiste...), ainsi que dans quelques-uns des livres suivants. Dans le cas des chapitres 1 et 2 de la Genèse, ces textes ont été laissés côte à côte, ce qui montre que l’intention de ceux qui les ont placés là n’était pas de relater la création : leur propos était clairement ailleurs, sinon pourquoi proposer deux récits en partie contradictoires ?

Dans d’autres parties du Pentateuque, les deux traditions sont fortement imbriquées : dans le récit du déluge (Gn 6,5-8,22), on repère cette imbrication par des redites, et même des contradictions (par exemple, le nombre des animaux qui est d’un couple de chaque espèce dans un passage, et de sept couples pour les animaux purs un peu plus loin...). Dans le récit du passage de la mer morte (Ex 14), en revanche, les deux traditions s’imbriquent pour former un récit cohérent, et il est assez difficile pour un non spécialiste de repérer les sutures.

Les textes de la Genèse empruntent largement à des mythes répandus dans le moyen-orient ancien. Des récits de la création existaient déjà avant la rédaction de ceux de la Genèse : par exemple, l’épopée d’Atra-Hasis, un poème remontant au moins au XVIIème siècle (et probablement bien plus ancien), ainsi que l’Enouma Elish, du XIème siècle. Dans ces deux textes, on trouve l’image d’un dieu façonnant l’homme à partir de terre mêlée à la chair et au sang d’un dieu déchu. On retrouve aussi en Egypte l’image d’un dieu façonnant l’homme à partir de la terre et lui insufflant la vie. Par ailleurs, la peinture murale de l’investiture, du palais de Mari (Syrie) au 18ème siècle présente des détails qui rappellent le second récit de la Genèse

L’épopée d’Atra-Hasis comprend aussi un récit de déluge. Ce dernier aurait aussi inspiré un récit analogue de l’épopée de Gilgamesh, composé sur près de 1000 ans à partir du 2ème millénaire. Ces récits de déluge pourraient avoir pour origine des inondations particulièrement importantes dont on retrouve des traces dans ces régions.

Cependant, si les textes Bibliques reprennent une trame qui existait déjà, ils introduisent des éléments nouveaux, avec un Dieu qui crée à partir de rien, non à partir d’éléments pré-existants, et qui crée l’homme pour lui-même, non pour se décharger de ses corvées... Ceci est le sujet de l’exposé du Père Georges Maurice...

[1Les titres de la Bible sont placés par les éditeurs, ils ne sont pas dans les manuscrits.

[2Proposée par l’exégète allemand Julius Wellhausen au 19ème siècle.