Paroisse Saint Loup


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6ème dimanche du temps ordinaire, année C

Dimanche 13 février 2022, à Vif, dimanche de la santé

Heureux les pauvres

« Quel malheur pour vous, les riches... » Jésus ne dit pas « malheur à vous », comme on traduisait autrefois... Il ne s’agit pas d’imprécation, de malédiction... Jésus constate ici que, pour les riches, la voie vers le royaume de Dieu va être difficile, très difficile...
Cet automne, quelques milliardaires ont défrayé la chronique en effectuant un voyage dans l’espace. En réalité un saut de puce de quelques minutes... Au retour, l’un d’eux se disait émerveillé devant la beauté et la fragilité de notre planète, qu’il fallait protéger...
Le pauvre homme ! Il lui a fallu une fusée et des centaines de milliers d’euros pour découvrir ce que chacun, dans notre paroisse, peut voir quotidiennement en ouvrant ses volets, ou, pour les moins chanceux, au prix de quelques kilomètres !...
« Heureux les pauvres... » Il y a quelques années, j’étais en voyage au nord de l’Inde, dans l’Himalaya. Là bas, à plus de 3000m d’altitude, les gens ont une vie dure. Ils sont pauvres, mais pas miséreux. Ils sont dignes et saluent joyeusement le voyageur de passage avec un beau sourire ! Et malgré leur pauvreté, ils semblent heureux... Ils sont bouddhistes et ne connaissent pas Jésus-Christ, mais ils prient sans relâche pour les plus malheureux, et parmi ceux-ci, ils comptent ceux qui fondent leur bonheur sur leurs richesses, plus que sur des valeurs spirituelles et morales !
« Quel malheur pour vous, les riches... » Quand Bouddha et Jésus se rencontrent, ne serait-ce pas le même Esprit qui est à l’œuvre !
Mais nous, où nous situons nous ? Pour la plupart d’entre nous, certainement, ni riches, ni vraiment pauvres... Mais on peut facilement être trop riche si ce que l’on possède – aussi peu que ce soit – nous aveugle au point de ne même pas voir la beauté du monde là où l’on se trouve ! On est trop riches, si la recherche des biens matériels nous éloigne des autres, si ce que l’on possède nous fait regarder de haut ceux qui possèdent moins, si on méprise les malheureux, si on ne sait pas se pencher ou se baisser pour partager avec les plus pauvres. On est trop riches, si on ne sait pas partager.
Lorsque Jésus dit « Heureux les pauvres », il ne rejette certainement pas les classes moyennes, lui qui a même accueilli les publicains, des riches pourtant capables de se convertir — peut-être justement parce que, malgré leurs richesses, ils étaient méprisés... Jésus, en tout cas, prend le parti des pauvres, des affamés, de ceux qui pleurent, des méprisés... Ils sont heureux, juste parce qu’ils sont plus proches du royaume de Dieu, parce-qu’ils sont chers au cœur de Dieu. Ils ne sont pas saints du seul fait d’être pauvres, leur chemin de sainteté est juste plus court...
Des riches aussi ont pu devenir saints. En abandonnant toutes leurs richesses, comme Saint François d’Assise. Ou comme certainement bien d’autres en se mettant, avec leurs richesses, au service des autres, totalement et radicalement...
Dans le passage parallèle de l’évangile selon Saint Matthieu, on peut lire « Heureux les pauvres en esprit », ou « Heureux les pauvres de cœur », selon les traductions... Cela nous ouvre tout de même quelques perspectives, car Jésus ne nous appelle sans doute pas à devenir matériellement pauvres !
La pauvreté, c’est la petite faille, nos limites, la fragilité qui nous permet de nous reconnaître pécheurs, de nous convertir, de continuer à avancer. La pauvreté, c’est se reconnaître petit, insuffisant, ayant besoin des autres, ayant besoin de Dieu. La pauvreté, c’est ce qui nous permet de trouver notre bonheur dans les choses simples, le sourire d’un bébé, la beauté d’une fleur ou d’un paysage, quelques mots échangés au bord du chemin avec une petite fille ou avec une vieille dame...
Sachons reconnaître notre pauvreté, nos pauvretés ! Nos pauvretés peuvent nous rapprocher des plus pauvres, de ceux qui souffrent, et en ce dimanche de la santé nous pouvons penser tout particulièrement aux malades, aux personnes âgées dépendantes, à celles qui sont dans la solitude...
Seigneur, toi qui t’es fait pauvre au milieu de nous, donne nous un cœur de pauvre, ouvert aux autres, et attendant et espérant tout de Toi !
Amen

Gilles Berger Sabbatel

Références des textes liturgiques :
Jérémie 17, 5-8 ;
Psaume 1 ;
1ère Lettre aux Corinthiens 15, 12. 16-20 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 6, 17. 20-26