Paroisse Saint Loup


Sommaire > Vie de la paroisse > Homélies > Archives > 2019 > Avent et Noël 2019 > Dimanche de la Sainte Famille – Année A

Dimanche de la Sainte Famille – Année A

Samedi 28 janvier 2020 église Sainte-Marie du Genevrey de Vif

« Gardien du Rédempteur »

En cette fête, c’est le mystère de notre double filiation qui nous est offert, à la lumière de la sainte famille : je veux parler de notre filiation humaine et de notre filiation divine. L’une et l’autre sont un don de la grâce de Dieu, la première trouvant son accomplissement dans la seconde. La sainte famille en est l’exemple parfait. La perfection de la filiation humaine, bien qu’empruntant des voies extraordinaires, se montre dans l’accueil de l’enfant dans une plénitude de foi, d’abandon et d’amour. La perfection de la filiation divine se dévoile dans la réponse de l’enfant à ses parents, comme homme et comme Fils de Dieu. Heureuses sont ces familles, ces foyers d’amour, qui accompagnent leurs enfants jusqu’à l’accueil profond de leur vocation baptismale et peut-être religieuse.
L’institution de la famille plonge ses racines dans la révélation. Si le Décalogue impose « d’honorer son père et sa mère », le Siracide rappelle que la réussite d’une authentique vie familiale ne s’obtient que par une lutte incessante contre l’égoïsme.
Avec la prière du psaume de ce dimanche, consacré au bonheur familial, nous sommes invités à élargir nos perspectives à la fécondité de l’Église, dont la famille est une miniature.
Dans la deuxième lecture, saint Paul expose les vertus qui favorisent une belle vie de famille : tendresse, bonté, humilité, douceur, patience… Et « par-dessus tout qu’il y ait l’amour », ce lien de la perfection.
Et avec l’épisode de la fuite en Égypte, nous comprenons mieux les épreuves traversées par la sainte famille. Tout cela aurait même pu tourner au drame : l’Enfant-Jésus est en danger de mort au moment où Joseph et Marie, unis dans une même obéissance à la volonté de Dieu, prennent le chemin de l’exil.
Mais je propose de revenir à la lecture du Premier Testament car elle est riche d’enseignements à propos de la Fête qui nous rassemble ce soir. On pourrait donner à cette lecture le titre suivant : « De la pratique du quatrième commandement ». Celui-ci est ainsi formulé : « Tu honoreras ton père et ta mère » (Exode XX, 12). On divise habituellement les dix commandements en deux groupes : 1/ ceux qui regardent l’amour de Dieu (les trois premiers) et 2/ ceux qui regardent l’amour du prochain (les sept suivants). Ainsi le commandement de l’honneur à rendre aux parents est le premier des commandements qui regardent l’amour du prochain. Nos parents, et plus largement notre famille, ce sont nos plus proches prochains en quelque sorte. Le respect des membres de notre famille est la base pour le respect des autres prochains. La tradition juive avait bien repéré que dans la formulation originelle, c’était le premier commandement assorti d’une promesse (cf. Éphésiens VI, 1-3) : « Tu honoreras ton père et ta mère, afin d’avoir une longue vie sur la terre. » La pédagogie divine soulignait, par cette promesse, l’importance de ce commandement. Avec Jésus (cf. Marc X, 17-19), on peut rajouter « … et afin d’avoir la vie éternelle dans le ciel. » Il est frappant de voir dans notre texte, Parole de Dieu, le nombre et la variété des belles promesses qui sont attachées à ce commandement. C’est une manière de souligner que celui qui pratique ce commandement, à l’origine de sa vie et par la suite, saura pratiquer tous les autres, tandis que celui qui « commence mal » déjà avec celui-là, porte en son cœur les germes de tous les adultères et perversions sociales à l’encontre de tous les autres commandements. Honore ton père et ta mère, sinon tu risques de te retrouver aussi infidèle en mariage, en société, en respect du bien des autres… Au contraire, dit notre texte, celui qui honore son père et sa mère amasse un trésor de biens et surtout « aura en héritage la vie éternelle » (Marc X, 17).
Pour en revenir au texte de l’évangile de ce dimanche, j’attire l’attention sur le contexte liturgique de cette page de saint Matthieu. « Je vous annonce une grande joie ! » Telle fut la bonne nouvelle qui retentit la nuit de Noël, dans le ciel de Bethléem ! Telle est la bonne nouvelle qui résonne encore dans chacun de nos cœurs. Oui, les anges nous annoncent une grande joie, car un Fils nous a été donné, un Sauveur nous est né ! « Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. » Dieu s’est fait homme, Il est venu jusqu’à nous sous les traits d’un enfant, d’un tout-petit, d’un nouveau-né. Il s’est fait si proche, si simple, que chacun peut s’approcher de Lui sans crainte. Le Bon Dieu a supprimé toute distance en se rendant accessible aux plus petits.
Quel mystère merveilleux, empli de douceur, de lumière et de paix ! La profondeur du mystère de Noël ne nous est toutefois pas inaccessible. Nous ne contemplons pas ces jours-ci un mystère lointain : la grâce de Noël est pour chacun. Nous pouvons tous nous approcher de Dieu, le contempler, l’aimer, l’adorer. « Le signe de Dieu – souligne Benoît XVI – le signe qui est donné aux bergers et à nous, n’est pas un miracle bouleversant. Le signe de Dieu est son humilité. Le signe de Dieu est qu’il se fait petit, qu’il devient enfant, qu’il se laisse toucher et qu’il sollicite notre amour. » (Benoît XVI, Homélie de la Messe de la nuit de Noël 2009)
Mais pour en revenir à la Sainte Famille de Nazareth, en quoi est-elle un modèle pour les familles ? Grâce à ses parents, l’Enfant-Jésus a reçu l’amour et la protection nécessaires à la découverte du sens de la vie. Et malgré les épreuves traversées par la Sainte Famille, la confiance en la Providence divine est demeurée vive.
Alors ce soir, dans le prolongement du mystère de la Nativité, la liturgie nous invite à contempler cette Sainte Famille, et en particulier la figure paternelle de saint Joseph. C’est un homme discret, dont aucune parole ne nous a été rapportée dans les Évangiles. Saint Joseph est discret mais sa présence n’en est pas moins essentielle.
Joseph reçoit une mission unique qui lui fut confiée par le Seigneur : celle d’élever le Fils unique de Dieu, de veiller sur lui, d’en être le gardien, le protecteur, comme cet épisode évangélique nous le révèle. Il est le seul dans l’Histoire à avoir reçu cette responsabilité : être le père du Verbe de Dieu. Même s’il fut porté par la grâce divine, il dut assumer la paternité de Jésus dans son humanité.
Car Joseph fut un vrai père pour Jésus qui l’a aimé et reconnu comme tel. Jésus avait besoin d’avoir devant lui un père et une mère. Ce n’est pas une fantaisie, ni le résultat d’un conditionnement social ou culturel, mais cela appartient au grand dessein de Dieu, de toute éternité. Il y a entre l’homme et la femme un lien de complémentarité voulu par Dieu, et non un lien d’opposition, d’infériorité ou de supériorité. En étant vraiment homme, dans sa croissance, Jésus avait besoin d’avoir devant lui un père et une mère. Joseph a reçu cette charge et assumé cette responsabilité. « Saint Joseph a été appelé par Dieu à servir directement la personne et la mission de Jésus en exerçant sa paternité ; c’est bien de cette manière qu’il coopère dans la plénitude du temps au grand mystère de la Rédemption et qu’il est véritablement ‘ministre du salut’ » (Saint Jean-Paul II, Exhortation apostolique Redemptoris Custos, n.8, 15/08/1989).

Père Thibault NICOLET

Références des textes liturgiques :
Livre de Ben Sira le Sage III,2-6.12-14 ; Psaume CXXVII (CXXVIII) ;
Épître de Saint Paul Apôtre aux Colossiens III, 12-21 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu II, 13-15.19-23