Homélies
19 septembre 2024
Vingt-quatrième dimanche du Temps Ordinaire Année B
S 14/09/2024 église Sainte-Marie, le Genevrey-de-Vif et D 15/09/2024 église Saint Jean-Baptiste, Vif
« Si quelqu’un veut marcher derrière moi… »
Quelques mots, pour commencer, sur la lettre de saint Jacques dont un extrait est de nouveau proposé en deuxième lecture ce dimanche. Quelles sont les particularités de cette lettre ? A qui écrit-il ?
A Part la salutation initiale, la lettre de Jacques ne présente aucune des caractéristiques d’une véritable épître. Composée d’exhortations plus juxtaposées que liées, elle apparaît être une lettre didactique pour une large audience. Son auteur qui utilise un vocabulaire riche, qui use de tournures littéraires recherchées et qui connaît les procédés de l’enseignement du temps, est de culture hellénistique. Certes, la lettre est attribuée traditionnellement à Jacques, le frère du Seigneur, le chef de la communauté de Jérusalem, mais il est malaisé d’identifier avec précision son auteur. Il pourrait être un écrivain qui, conformément aux habitudes littéraires de l’époque, voulait placer son écrit sous un patronage fameux. Cet auteur s’adresse aux « douze tribus d’Israël qui sont dispersées dans le monde », c’est-à-dire, au peuple chrétien, représentant le nouveau peuple élu. Il l’exhorte à accorder sa conduite à sa foi religieuse.
Après Paul, d’une certaine manière, et dans la tradition qui est la sienne, l’auteur lui rappelle que la foi est compréhension nouvelle de l’existence. Il dénonce que des chrétiens disent avoir la foi sans ressentir le besoin de la vivre concrètement. Il ne se lance pas, comme Paul, dans des développements théologiques, mais il fait appel à des exemples choisis dans la vie des communautés chrétiennes. Ainsi pour l’auteur, à quoi bon dire ‘bon appétit’ ou ‘mets-toi au chaud’ à un frère sans se préoccuper de savoir s’il a de quoi manger, ou se chauffer ? S’il en est ainsi pour certains, leur foi que n’accompagne aucun secours ne ressemble qu’à des vœux pieux. Pour l’auteur, la foi est existence véritablement animée et habitée d’actes concrets qui en témoignent, et non simple adhésion à un credo.
Dans l’évangile, l’apôtre Pierre apprend brutalement qu’il n’y a qu’une seule vocation à la sainteté : celle qui consiste à s’unir au mystère de la croix du Christ Jésus. Nous le savons, le concile Vatican II a affirmé que tous les baptisés avaient reçu une vocation à la sainteté. Cette sainteté est unique parce qu’elle consiste dans la communion retrouvée avec la sainteté de Dieu par le mystère de la croix. L’évangile de ce jour n’est donc pas une invitation à la souffrance mais bien plutôt une invitation à vivre notre vie comme un don de sa vie au Christ.
Notre vocation à la sainteté nous fait passer par les mêmes étapes que saint Pierre : profession de foi, expérience du péché et appel du Christ à la conversion. « Tu es le Messie » est le fondement de notre foi, c’est-à-dire reconnaître Jésus comme le Fils de Dieu envoyé par le Père pour nous réconcilier avec lui. Nous proclamons cette foi dans l’Eglise et notamment dans le renouvellement des promesses du baptême au cours de la veillée pascale. La réaction très humaine de Pierre démontre que son attachement au Seigneur a besoin d’être purifié. Son péché, comme le nôtre, est une résistance au plan de Dieu et un désir égoïste de nous approprier les dons reçus du Père.
Les paroles prononcées par Jésus - « passe derrière moi, Satan ! » - résonnent durement à nos oreilles. Il s’agit pourtant pour l’apôtre de reprendre sa place à la suite de Jésus, de retourner derrière le Seigneur pour mettre ses pas dans les siens. Reprendre sa place de disciple, voilà en quoi consiste une vraie conversion.
Considérer la sainteté comme la communion avec la sainteté de Dieu, c’est au fond être appelé à vivre toutes les dimensions de notre vie avec le Christ Seigneur qui ramène tout à son Père : « Tout vous appartient mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu ». Finalement, la profession de foi qui nous fait reconnaître Jésus comme le Messie ne suffit pas. Elle doit se traduire par un engagement personnel intégral qui nous conduit à vivre notre vie comme le Christ : dans une communion filiale avec le Père, cherchant à accomplir sa volonté et offrant notre vie et notre mort en sacrifice d’action de grâce. Comme le Christ signifie en réalité par le Christ, avec le Christ et dans le Christ.
Références des textes :
Livre du livre du prophète Isaïe L, 5-9a ;
Psaume CXIV (CXVI A), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9 ;
Lettre de saint Jacques II, 14-18 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc VIII, 27-35
13 septembre 2024
Vingt-troisième dimanche du Temps Ordinaire Année B
D 8/09/2024 église Saint Jean-Baptiste, Vif
Tout ce qu’il fait est admirable
En parlant avec ses paroissiens, le Curé d’Ars avait découvert les vrais ennuis du village : la pauvreté dans l’ordre de la charité, l’entêtement à croire aux pratiques superstitieuses, l’attachement aux fêtes qui se bornaient à des rencontres souvent honteuses. L’attitude la plus facile face à ces problèmes est pour beaucoup de fermer les yeux ou de regarder ailleurs. L’ignorance n’est parfois qu’une lâcheté cachée.
Au contact du saint, les gens avaient commencé à voir ce qu’ils n’avaient jamais osé regarder : l’homme ivre qui avait besoin de toute la largeur du chemin pour rentrer chez lui, le visage triste et douloureux de la fille qui cachait sa grossesse. Les braves gens avaient pensé naïvement qu’en supprimant les bals ils feraient disparaître les abus. Mais le curé avait compris que son monde avait besoin de s’amuser. En toute occasion, il avait organisé des jours de fête, parfois des excursions jusqu’à Notre-Dame de Fourvière. Ainsi, ceux qui étaient enfermés dans leur égoïsme ouvraient insensiblement une fenêtre sur le monde extérieur. Et Monsieur Vianney leur faisait peu à peu voir les pauvres et les orphelins. Mais il savait que l’attention aux pauvres prend toute sa valeur quand elle est le surplus de l’âme. Lui-même avait voulu être la louange de sa paroisse avant d’en être le serviteur.
Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus apparaît comme l’homme accomplissant les prophéties de l’Ancien Testament. Comme les prophètes l’ont annoncé, il est le serviteur par qui la guérison et la force atteignent les malades ou ceux qui sont marqués par la vie. Ceux qui se sentent enfermés dans leur propre aveuglement et leur surdité trouvent leur liberté en lui. Comme Jésus guérit le sourd dans l’évangile d’aujourd’hui, il s’engage également à guérir tous ceux qui cherchent sa miséricorde et son amour. Par l’entremise de l’Eglise, il devient présent pour nous à travers sa Parole et ses sacrements afin de nous nourrir tout au long de notre chemin vers le Père.
Les rites de l’Eglise nous aident à célébrer la liberté et la joie qui pénètrent ceux qui rencontrent Jésus Christ dans la foi. Les rites d’initiation, en particulier, mettent la communauté chrétienne au défi de prendre au sérieux les paroles et les gestes utilisés pour communiquer la grâce de Dieu aux catéchumènes et à ceux qui cheminent vers les sacrements de Pâques. Très souvent cependant, les membres de l’assemblée ne se retrouvent pas dans ces rites ; ils pensent que ceux-ci s’appliquent uniquement à ceux qui cherchent à être initiés dans l’Eglise. En réalité, les paroles et les gestes de nos rites calquent les paroles et les actions de Jésus Christ dans l’évangile. Lors du baptême d’un enfant par exemple, celui qui préside prie pour que rien n’empêche l’enfant d’entendre la Parole ni de la proclamer aux autres. L’effeta est une prière de délivrance fondée sur la façon dont Jésus a libéré cet homme de l’évangile.
Sommes-nous conscients que la présence de Jésus dans nos vies nous libère, particulièrement par le biais du pardon et de l’amour ? Réalisons-nous que depuis le moment de notre baptême, nous avons reçu la capacité d’être les témoins de la puissance de compassion, d’amour, de libération du Christ dans ce monde ? Ou avons-nous trop peur de nous-mêmes ou des autres, de notre Dieu – en étant emprisonnés par nos propres besoins – que nous ne puissions faire l’expérience de la présence de Jésus qui nous transforme, et qui transforme les autres à travers nous ? Alors que nous approchons du banquet de l’Eucharistie qui nous rassemble sans distinction d’origine, de langue ou de statut social, engageons-nous à nous nourrir mutuellement avec compassion, comme Jésus nous a nourris durant notre chemin vers le salut. Engageons-nous à libérer les autres de l’égocentrisme, des illusions et des idées fantasques, de l’aveuglement qui les empêche de voir autour d’eux ceux qui ont besoin d’aide, et de les délivrer de la surdité qui ne leur permet pas d’entendre les cris du pauvre.
Références des textes :
Livre du livre du prophète Isaïe XXXV, 4-7a ;
Psaume CXLV (CXLVI), 6c-7, 8-9a, 9bc-10 ;
Lettre de saint Jacques II, 1-5 ;
Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc VII, 31-37